La servante écarlate – Margaret Atwood
C’est reparti pour un livre présent sur la fameuse liste. La servante écarlate de Margaret Atwood est le numéro 23. C’est le premier (de la liste) que je lis écrit par une femme et, par rapport à cette histoire, ça a sans doute son importance.
Encore un roman d’anticipation. Prépare-toi parce qu’il fait froid dans le dos.
Dans un pays, qu’on comprend être les États-Unis, on suit la vie quotidienne de Defred, une femme dont le rôle est d’être une servante écarlate. Son rôle : mère-porteuse pour les grands pontes du nouveau régime. Un régime totalitaire qui puise sa source dans la religion, revue et corrigée. Defred repense souvent à son ancienne vie, où elle était libre, à sa petite fille qui lui a été enlevée, à sa mère et à son (absence d’) avenir.
La servante écarlate est un livre très fort, souvent comparé au 1984 d’Orwell. Sous couvert de protéger les femmes (de qui, de quoi, on se le demande…), elles sont écartées de tout : plus de liberté, plus de libre arbitre, plus d’amour, plus de sentiments, plus de lecture, même plus de nom ! A la place : corvées de « femme », soumission. Et gare à celles qui tombent malades, elles pourraient être déclarées inaptes et envoyées aux travaux forcés.
Defred, comme ses malheureuses consœurs, doit se soumettre à des rituels : prendre ses repas dans sa chambre, le bain tous les x jours, les rendez-vous chez le médecin, les séances avec son maître et son épouse. En effet, l’acte sexuel, uniquement réalisé dans le but de procréer, est codifié à l’extrême, de même que l’accouchement quand une servante a la chance de tomber enceinte (pour ajouter à la noirceur de l’histoire, on apprend que les grands pontes sans doute tous stériles à cause d’un médicament et les servantes ont une obligation de résultat – sinistre…). On est de nouveau dans une période d’obscurantisme.
Ce roman m’a beaucoup touchée, sans doute parce que je me sens concernée directement. Et se dire, une fois de plus, que cette fiction pourrait tout à fait se produire demain fait assez peur. Les femmes ne sont plus considérées comme des personnes mais comme des réceptacles. Elles n’ont plus le droit de lire parce que ça pourrait les perturber : c’est poussé à un tel extrême que même les enseignes des rares magasins sont touchées et ne présentent plus que des dessins. Tickets de rationnement, réseau de résistants, trahisons, petits arrangements avec les règles (le gouvernement est déjà corrompu), guerre, propagande, exécutions… Tout est vu par les yeux de Defred et le lecteur n’en sait pas plus que ce qu’elle sait ou se souvient. Par exemple, on ne connaîtra jamais son vrai nom, elle l’a presque oublié. Elle vit dans le passé, s’anesthésie à grands coups de souvenirs. On les verrait presque en sépia tant tout semble lointain.
Le chapitre final est étrange. Il me fait l’effet d’un ajout, telle la fin modifiée d’un film par les producteurs. J’aurais préféré que l’histoire se clôture sur Defred emmenée par une brigade des Anges noirs, laissant le lecteur en plein doute : en effet, doit-elle croire ce que lui a dit son « amant » ? Anges noirs ou résistants ?
La servante écarlate – Margaret Atwood
Robert Laffont
10,10 €
Crédit : Margaret Atwood / Robert Laffont